vendredi 10 février 2012

"Double vie" de Pierre Assouline

Voilà un livre que je vais commander..... pour me divertir et peut-être apprendre quelque chose sur la double vie.....

Rencontre avec Pierre Assouline, à l'occasion de la parution de Double vie
  Gallimard — Un des thèmes essentiels de Double vie est la dénonciation de la surveillance permanente par les nouvelles technologies que nous subissons tous, plus ou moins à notre insu...
  Pierre Assouline — Je crois que l'individu ne s'est jamais senti aussi libre et libéré qu'aujourd'hui grâce à la technologie, et dans le même temps qu'il n'a jamais été aussi prisonnier des contraintes extérieures. Ce qui est censé nous émanciper nous asservit inconsciemment. Qu'il s'agisse de la vidéosurveillance, des cartes bancaires, du téléphone, pour ne citer que quelques exemples, ces nouveaux outils technologiques, indispensables ou prétendus tels, permettent une traçabilité de l'individu qui restreint sa liberté et sa vie privée.
Pour le héros de Double vie, l'historien d'art Rémi Laredo, cette surveillance est symbolisée par le fait que les lois de la perspective, qui régissaient la peinture depuis plusieurs siècles, sont aujourd'hui détruites par une nouvelle vision, celle de l'œil zénithal des satellites. L'œil de Caïn n'est plus dans la tombe : il est en orbite.

  Gallimard — Pourtant, malgré cette surveillance constante, il demeure impossible de connaître l'essentiel d'un individu ?
  Pierre Assouline — C'est en effet une vérité intemporelle, et c'est la signification exacte de la phrase de Proust que j'ai choisi de placer en épigraphe, et qui donne son sens à tout le roman. On peut vivre dans l'intimité des gens, notamment au sein d'un couple, avec la certitude de les connaître, quand soudain un événement en apparence minuscule, ou une petite phrase qui semble anodine, permet de les découvrir vraiment. Ou plutôt ce sont eux qui se découvrent. En une fraction de seconde, ils se révèlent bien différents de ce que l'on avait toujours cru. Il y a toujours une part d'ombre chez l'autre.
Dans le couple de Rémi Laredo, deux de ces « événements minuscules » vont se produire. Lui, qui mène une double vie amoureuse, est victime d'un petit accident relativement anodin qui l'amène à remettre en question toute sa manière de vivre. Sa femme, elle, ne va pas hésiter à utiliser un journal intime comme pièce à conviction lors d'un procès. Subitement, ils vont se révéler des étrangers l'un pour l'autre.

  Gallimard — On pourrait tout de même penser que ces deux personnages sont sérieusement névrosés...
  Pierre Assouline — Je pense que la paranoïa et la schizophrénie douce sont le lot de tous, et qu'elles sont même congénitales à l'espèce humaine : que savons-nous vraiment de ce que les autres savent de nous ? Ainsi, dès que l'on est un peu inquiet sur son destin à court terme, on ne peut s'empêcher de chercher à savoir, de recueillir les moindres bribes d'information, de les interpréter...
À partir de là, mes personnages me servent à réfléchir sur la duplicité : où s'arrête le mensonge, où commence la trahison ? Enfin, on ne réalise pas à quel point on passe sa vie à marcher sur des œufs, en société bien sûr, et peut-être plus encore dans l'intimité, ni à quel point chacun peut cloisonner son existence.

  Gallimard — La vie sociale serait donc impossible ?
  Pierre Assouline — Ce roman est avant tout une réflexion sur la solitude, en effet. En société, il faut rester entre gens de « bonne compagnie », respecter toute une architecture mondaine et de sociabilité qui, en principe, doit rester à peu près intacte quoi qu'il arrive. Face à la provocation, on se tait. On ne répond pas en prenant le risque de tout faire exploser. C'est la société qui est comme ça – et je ne parle pas là uniquement de la société bourgeoise parisienne : le phénomène est quasi universel. Nous vivons tous dans une société de convenances.
  Gallimard — Précisément, Double vie serait-il un roman inconvenant ?
  Pierre Assouline — Même si le roman est porté par un amour fou, c'est un livre sombre et violent, une charge contre une certaine bourgeoisie française, contre la vie conjugale, aussi. Je ne sais pas si tout cela en fait un roman véritablement inconvenant, mais il n'est pas «politiquement correct », c'est certain.
Cela dit, cette histoire est avant tout traversée par une femme qui irradie par sa beauté, mais une femme qui est absente. Elle a disparu, et cette disparition ne serait-elle pas une métaphore de l'absence en général ?
© http://www.gallimard.fr/, 2000

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