mercredi 15 février 2012

Passion - petite leçon de philo (trouvée sur anti-sèche...)

PASSION
Conception classique / Passion et imagination / Passion et émotion / Remèdes aux passions / Réestimation de la passion
Passion = affection durable de la conscience, si puissante qu'elle s'installe à demeure et se fait centre de tout. Etat de celui qui subit - passivité
 
-Conception classique : condamnation
-Dès Platon, les passions apparaissent nocives: elles mènent à la démesure («l'ubris») sinon à la folie, obligent la raison à se pervertir pour leur obéir, et condamnent l'être humain qui en est la victime à un monde illusoire. Eloignant de toute vérité, elles ne sauraient révéler la vérité de l'homme lui-même.
Dans l'Antiquité, comme chez les stoïciens pour qui passion est synonyme de déraison, les désirs sont considérés comme des passions qui viennent du corps et que le sage doit maîtriser et dépasser s'il veut accéder à la sérénité qui constitue le bonheur et l'épanouissement de l'âme. L'attachement passionnel à quoi que ce soit est condamné.

Cf aussi point de vue chrétien: c'est ce que la passion suppose d'excessif dans le comportement qui est condamné. Ne désigne-t-elle pas une emprise trop forte du corps sur l'âme? Ne produit-elle pas une véritable aliénation de cette dernière?
Descartes, définissant les passions de l'âme, a souligné l'effet de passivité; il appelle passions tous les phénomènes causés dans l'âme par l'action du corps, toutes les représentations liées aux mouvements des esprits animaux, éléments subtils servant d'intermédiaires entre le corps et l'âme => la passion, c'est l'empire du corps.
 
-Dans un sens moderne, la passion est une tendance qui envahit totalement la personnalité.
Les moralistes opposent la passion à la raison comme la démesure à la tempérance. Tout homme a normalement plusieurs tendances ou préférences et il choisit librement entre ses désirs; c'est la raison qui arbitre et son choix devient un acte volontaire. Dans la passion, il vit sous le régime tyrannique d'une seule tendance. Dans l'acte passionnel, la responsabilité du sujet peut paraître réduite, en ce sens que la raison n'intervient pas pour choisir le but que l'individu poursuit, mais uniquement pour le justifier, pour chercher tous les moyens susceptibles de la réaliser: logique affective par laquelle le passionné ramène tout à sa passion: on ne le comprend pas dès l'instant où on ne l'approuve pas, on le comprend quand on l'approuve.

«Le coeur a ses raisons que la raison ignore» Pascal.
 
-La passion et l'imagination
Non seulement la passion fait converger toutes les forces de l'esprit vers une seule fin, mais elle implique une grande activité de l'imagination.
L'exemple le plus célèbre de cette action de l'imagination est celui de la cristallisation donné par Stendhal: un banal rameau d'arbre, jeté dans les mines de sel de Salzbourg, en est retiré trois mois plus tard couvert de cristallisations brillantes. De même, l'objet aimé, grâce au travail de l'imagination, cristallise autour de lui un ensemble de souvenirs et de rêves.
«Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections» Stendhal.
Que serait la passion sans cette cristallisation de l'imaginaire qui véritablement l'engendre ou la recrée?
 
-La passion est à distinguer de l'émotion
La passion est un état qui modifie durablement la personnalité alors que l'émotion n'est qu'un état passager.
Kant a même opposé émotions et passions: «Là où il y a beaucoup d'émotions il y a peu de passions»; les émotions dissipent la personnalité dans plusieurs directions alors que la passion l'enferme dans une seule.
=>La passion représente le triomphe du corps. elle est fille de l'imagination. Elle semble donc s'opposer fondamentalement à la raison. La tradition classique dans cette optique a surtout mis en évidence la servitude et la souffrance inhérente aux passions.
 
-Le remède aux passions
Soit la volonté, soit la connaissance :
-Cf Descartes: ne peut-on pas faire appel à la toute-puissance de la volonté? Descartes exalte le pouvoir de cette dernière. Face aux mécanismes passionnels, la volonté peut toujours réagir et l'emporter. La volonté est conçue comme détenant un pouvoir absolu face aux passions. La générosité, sommet de la morale de Descartes, repose sur le sentiment qu'il n'y a rien qui véritablement nous appartienne que la libre disposition de nos volontés.
 
-La connaissance: cf Spinoza. Pas question de gouverner les passions par la volonté, mais il est bien question d'en avoir une connaissance claire et distincte. Spinoza rattache la passion à la nécessité qui régit l'ensemble de la nature; on peut l'interpréter comme un mécanisme qui supprime notre apparence de liberté. En la rattachant à la nécessité, on ne se contente pas de la comprendre pour ce qu'elle est: on se donne aussi les moyens de la connaître, au moins en partie (et donc de pouvoir la maîtriser). La passion comprise perd son privilège et son prestige.
 
-Réestimation de la passion
-La passion comme énergie: cf Hegel
La passion n'est pas seulement passivité. Certes, avec Descartes ou Spinoza, elle se transmute en liberté par la médiation de la volonté ou de la connaissance (voir ci-dessus donc), mais elle n'en est pas moins subie.
La passion ne peut-elle cependant pas être comprise autrement?
Hegel: l'énergie du vouloir rassemble toute l'activité de l'homme vers un but; le vouloir se tend vers ce but unique auquel il subordonne tout; l'individu concentre toute son énergie sur un seul objet.
Hegel conçoit un rapport nouveau entre la passion et la Raison. Mais il ne s'agit plus de la raison d'un sujet, c'est celle de l'Histoire, du Monde dans son devenir, qui est en jeu.
La passion retrouve son aspect dynamique. Elle crée l'Histoire et le devenir. Parce que le vouloir humain se concentre sur un seul but, la passion constitue l'instrument historique le plus riche.
La passion permet d'accomplir de grandes oeuvres; elle est édificatrice et architecte de l'Histoire; elle engendre le devenir historique; elle est l'aspect le plus dynamique de l'esprit.
C'est parce que la raison est en elle-même trop exigeante pour la subjectivité humaine que l'homme accomplit les actes marquants de l'histoire en croyant en fait obéir à ses passions égoistes: c'est ce que Hegel appelle la ruse de la raison. C'est donc en obéissant aux passions que l'on participe à la rationalisation du Monde. L'opposition entre la passion et la raison dans l'homme perd alors sa signification.
«Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion» Hegel
 
-Que la passion mène à la vérité, c'est précisément ce qu'admet Rousseau. Tout en continuant à la considérer comme en effet dévastatrice, il ne se contente pas de lui opposer une Raison qu'il condamne. Dès lors, le seul remède à la passion, autrement dit la seule voie vers la sagesse, sera une autre passion puisqu'elle provient du sentiment, du coeur, de l'intuition.
 
-Cf aussi la réestimation romantique de la passion
C'est la littérature romantique qui va affirmer, plus que la philosophie, la valeur spécifique de la passion. La passion est seule capable de donner à l'existence sa valeur la plus exaltante. Avec le romantisme, le mouvement s'accentue jusqu'à l'affirmation d'une suprématie de la passion. Si la passion peut mener à la mort, cette dernière est moins une sanction confirmant un échec qu'un aboutissement: l'ultime façon d'affirmer la volonté qu'a le sujet de dépasser la médiocrité des contraintes du monde tel qu'il est.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire