dimanche 15 janvier 2012

"Sur le bonheur et le désir" de Schopenhauer

« La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif , en elle, rien de positif. Il n'y a pas de satisfaction qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous , il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or, avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient être qu'une délivra
nce à l'égard d'une douleur, d'un besoin , sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Maintenant, c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque , pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin , Sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? Rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul, c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement : il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passées, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas , il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement , et en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix , le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous. »
Schopenhauer, Monde comme volonté et représentation

A méditer....

3 commentaires:

  1. Je suis d'accord à 100 % !!! Il n'y a que lorsqu'on en est privé que l'on se rend compte que finalement, le bonheur, c'était peut - être ça; il n'y a pas de bonheur sans désir, donc sans privation, sans frustration. En fait, même si j'ai toujours l'impression d'être une éternelle insatisfaite, ce que je vis en ce moment n'est autre que la quête du bonheur ... Il y a eu un moment dans ma vie où je me suis posée et je me suis dit : "Maintenant, je fais quoi ?" Tous mes désirs étaient satisfaits, j'aimais, j'étais aimée, j'avais atteint mes objectifs professionnels, j'avais fondé une famille unie en en bonne santé ... Le bonheur, ça ne pouvait être que ça; et pourtant, j'avais l'impression qu'il me manquait quelque chose; je réalise maintenant que ce quelque chose, c'est justement toutes les tentatives ( que l'on peut appeler projets, objectifs, désirs, frustrations ... )que l'on peut faire et qui nous permettent , une fois réalisés, de nous sentir mieux. On a besoin de relever des défis pour avancer.

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  2. Kay, merci pour ta réponse. J'y reviendrai ultérieurement. Je manque un peu de temps actuellement. Bien à toi.

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  3. Kay, je suis également d'accord avec Schopenhauer.

    Je m'impose tous les jours de m'imaginer le manque, le malheur, la souffrance si je perdais ce que j'ai. Là, je ne parle pas du côté matériel, mais du côté affectif. Si je perdais mon conjoint, ma famille, Kenan... Je m'imagine ma souffrance si cela devait arriver et grâce au souvenir de la souffrance, j'arrive à être consciente de mon bonheur et à l'apprécier tous les jours. Pourtant cette exercice mentale ne suffit pas pour que je me contente entièrement de mon bonheur. J'ai besoin de projets, d'objectifs, de désirs, de frustrations etc.

    Cela fait des années que je fais cette exercice mentale, mais c'est seulement quand mon bonheur était véritablement menacé (maladie ou accident d'une des personnes que j'aime, etc.)et seulement quand tout était rentré dans l'ordre que j'arrivais vraiment à apprécier profondément, à 100% le bonheur que j'avais....

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